Les personnes hypersensibles disposent d’un système nerveux extrêmement délicat, qui les rend particulièrement réceptives à l’environnement dans lequel elles se trouvent plongées. Un événement qui pourrait être vécu comme anodin par d’autres a la capacité de les chambouler et de fortement les déstabiliser. Leurs réactions peuvent parfois sembler démesurées ou exagérées aux yeux des autres. On peut avoir l’impression qu’ils font «du cinéma».

Leur système nerveux traite l’information différemment au sens où ce dernier réagit fortement aux stimuli externes. Les informations visuelles, sonores, auditives, olfactives, tactiles qu’ils reçoivent et absorbent sont comme amplifiées, de telle sorte qu’elles peuvent provoquer en eux des réactions en chaine : accélération du rythme cardiaque, palpitations, transpiration, rougissement, bégaiement, difficulté à respirer, impression d’être paralysé… Cette hyper réceptivité crée une grande fatigue nerveuse et peut donner lieu à une forte anxiété, voire dans certains cas entrainer des crises de paniques, des crises d’angoisse. On pourrait parler d’une hyperexcitabilité du système nerveux. Elles ont donc plus de risques d’être sujettes à l’anxiété sociale. En cas de surstimulation ou de multiplication des interactions, lorsque l’afflux d’informations reçues atteint un certain niveau, le système nerveux peut saturer, c’est alors que la personne risque de passer en mode «survie».

Le système nerveux autonome (ou système neurovégétatif) est responsable des fonctions automatiques de l’organisme (respiration, digestion, rythme cardiaque, transpiration…) Il est formé du système nerveux sympathique et parasympathique, qui par une action opposée permettent tous deux d’adapter la réponse de l’organisme à l’environnement.

Les différentes réponses démarrent dans l’amygdale qui joue sur la perception des émotions et qui prépare le cerveau à anticiper la sensation de peur ou de menace. En cas de danger, l’amygdale envoie un signal à l’hypothalamus qui ensuite va stimuler le système nerveux autonome. Une fois le système nerveux autonome stimulé, le corps va réagir en libérant des hormones, provoquant différentes réactions physiologiques.

Le système nerveux sympathique prépare à l’action. Il répond au stress par une libération hormonale (ACTH, cortisol, adrénaline, dopamine, vasopressine) qui entraine notamment:
– une accélération du rythme cardiaque et de la respiration qui permet de faire circuler l’oxygène dans le sang en direction des muscles et donc de se préparer à agir.
– une augmentation de la vision périphérique afin de pouvoir repérer les signes de danger autour de nous, les pupilles se dilatent afin de laisser entrer plus de lumière et donc de voir mieux.
– l’ouïe devient plus aiguisée afin de pouvoir entendre les éventuels signaux de dangers et permettre de réagir vite.

Le système parasympathique amène lui un ralentissement général des fonctions de l’organisme. Lorsqu’il est activé, il libère de l’acétylcholine et entraine un ralentissement de la respiration et du rythme cardiaque, ainsi qu’une accélération de la digestion. L’action de ce dernier est favorisée par la relaxation.

Dans sa théorie polyvagale, le Dr Stephen Porges, a inventé le terme de « neuroception » qui décrit la manière dont notre système nerveux autonome est constamment à la recherche d’indices lui permettant de déterminer s’il est en sécurité ou en danger. Nous parcourons le monde en compilant inconsciemment une multitude d’indices, des signaux comme l’expression faciale, les gestes et mouvements corporels, le ton de la voix. La manière dont nous traitons cette information nous dit en qui nous pouvons avoir confiance et qui peut être un danger. La neuroception constitue notre capacité à déchiffrer les indices de danger et donc à déterminer si une personne ou une situation est sûre pour nous ou si au contraire elle présente une menace pour nous. Il s’agit d’un processus totalement inconscient qui se produit dans le système nerveux autonome. Ce processus de détection automatique se met en place dès la naissance et a pour but d’assurer notre survie. Notre corps est ainsi conçu pour observer, traiter l’information et répondre.

Selon la Théorie Poyvagale du Dr Stephen Porges, il existe une hiérarchie de réponses intégrées dans notre système nerveux autonome qui sont codées dans notre patrimoine génétique. Ces réponses sont un mécanisme de survie qui se mettent en place en cas de danger imminent. Ce sont des réflexes archaïques ancrés en nous depuis les premiers temps de l’humanité, lorsque la survie était une préoccupation quotidienne. Ce ne sont pas des choix conscients mais des réponses automatiques du système nerveux.

L’immobilisation (Freeze) est la réponse la plus élémentaire. Elle correspond à l’activation du système nerveux parasympathique et implique le nerf vague dont la partie dorsale répond aux signes de danger extrême. La réponse corporelle nous immobilise. C’est la sensation d’être figé, paralysé face un stress qui parait insurmontable. Cette réponse est codée dans notre patrimoine génétique permettait initialement à nos ancêtres de « faire le mort » face à un prédateur. Le rythme cardiaque et la respiration se ralentit, nous permettant ainsi de passer inaperçu.

L’anxiété sociale peut provoquer ce type de réaction, quand, face à une situation de groupe, une personne se fige totalement, devient muette, évite les regards. Elle tente par tous les moyens de ne pas de se faire remarquer, de devenir invisible. C’est une tentative inconsciente de ne pas commettre d’erreurs risqueraient d’attirer l’attention et causer une humiliation publique.

La Mobilisation se produit à partir du système nerveux sympathique qui nous aide à réagir en cas de menace. Face au danger, la réponse est soit la fuite (Flight), soit le combat (Flight). On comprend l’intérêt de fuir ou de se battre lorsqu’on est face à un potentiel agresseur. Cependant cette réponse peut se déclencher alors qu’il n’y a pas de danger réel, lorsqu’une personne ressent une forte anxiété face à une situation qui semble insurmontable (parler en public, peur de l’humiliation…) La personne peut soit s’enfuir, disparaitre, soit au contraire devenir agressive, provoquer une dispute, voire devenir violente.

Chez les personnes ayant vécu un traumatisme, on peut observer une distorsion sévère de la capacité à détecter des signes de danger dans l’environnement. Le traumatisme a pour conséquence de dérégler complètement le système nerveux. Cela peut fortement augmenter la sensibilité de ces personnes qui peuvent par-conséquent interpréter comme signaux de danger des choses banales ou neutres et donc avoir une réponse complètement disproportionnée. Par exemple, suite à une agression sexuelle, quelqu’un qui pose sa main sur notre épaule peut enclencher en réaction une réponse très violente. Ainsi, nombre de signes qui sont interprétés comme inoffensifs par d’autres personnes sont lus comme synonymes de menace par les personnes ayant subi un traumatisme. Un changement de l’expression faciale, un ton particulier, ou certaines postures corporelles peuvent les mettre inconsciemment dans une posture de protection.

Les personnes hypersensibles n’ont, elles, pas forcément vécu de traumatismes, cependant leur système nerveux peut aussi s’emballer fortement en cas de fortes stimulations sensorielles ou émotionnelles. Leur capacité à détecter la moindre variation de tonalité dans la voix ou dans l’expression faciale font qu’ils risquent plus facilement de ressentir une situation ou une personne comme dangereuse. C’est pour cette raison qu’elles ont besoin d’être entourées de personnes authentiques, honnêtes, vraies et bienveillantes pour se sentir bien, à l’aise, en sécurité et s’épanouir.

L’hyperémotivité peut également avoir des conséquences sur le système nerveux et créer de l’anxiété. L’émotion peut être déclenchée par un évènement ou simplement par le fait d’imaginer un évènement. Les personnes hypersensibles ont souvent une grande imagination et ont tendance à ne pas ressentir la différence entre la réalité et ce qu’ils imaginent. Parfois leur ressenti est tel qu’il entraine une véritable « montée », comme sous l’effet d’une drogue. Le corps réagit par une décharge d’hormones et une cascade de réactions physiologiques. Les hypersensibles et hyperémotifs peuvent se mettre dans un état presque de transe grâce au pouvoir de leur imagination. Ces réactions corporelles intenses peuvent être agréables et donner l’impression de « planer » mais elles peuvent parfois également se transformer en crise d’angoisse lorsqu’on se met à imaginer le pire. Chaque détail peut être interprété comme l’indice d’une catastrophe à venir et les pires scénarios se dessinent dans notre esprit.

Une crise d’angoisse ou crise de panique se manifeste lorsque le système nerveux autonome passe en « mode survie » et active une des trois réponses (immobilisation, fuite, combat). Cela se traduit par les symptômes suivants : palpitations cardiaques ou accélération du rythme cardiaque, transpiration excessive, tremblements ou secousses musculaires parfois généralisées à tout le corps, engourdissements ou picotements, étourdissements, vertiges ou impression d’évanouissement imminent, bouffées de chaleur ou, au contraire, frissons, nausée ou inconfort abdominal, sensation d’oppression, comme si la poitrine était comprimée par un poids, sensation d’étouffement ou d’étranglement, avoir le souffle court, sentiment d’irréalité, de perte de contrôle, de devenir fou, peur de mourir…

Cette crise est souvent provoquée par une peur insurmontable. Cette peur peut se déclencher en réaction à une situation qu’on a associée à une expérience négative ou un traumatisme vécu dans le passé, à une phobie, ou à une extrême fatigue nerveuse, une hyperémotivité, une hypersensibilité ou à un état anxieux installé depuis longtemps. Parfois la peur est inconsciente et il devient important de creuser pour comprendre pourquoi le corps s’emballe de cette manière, car plus on l’ignore et la refoule, plus l’émotion grandit en nous et le risque de crise d’angoisse augmente.

Il apparait donc indispensable pour les personnes hypersensibles et hyperémotives d’avoir une pratique qui leur permette de réguler leur système nerveux. La méditation, le yoga, la sophrologie, le massage, les thérapies somatiques et psychocorporelles, la respiration consciente et ventrale, ainsi que se promener dans la nature et créer de l’art activent le système nerveux parasympathique et installent un sentiment de bien-être, de calme, de sérénité, de relaxation. Ces pratiques forment une soupape de sécurité qui donne l’opportunité aux personnes hypersensibles de vivre dans le monde, d’explorer, ressentir, expérimenter tout en ayant un moyen de décharger le « trop plein », pour revenir à soi, se recentrer et faire redescendre la pression pour éviter le burn-out émotionnel et sensoriel.

Réguler le système nerveux est pour les hypersensibles une véritable chance de se recentrer, de s’ancrer, de trouver un équilibre, de se connecter à leur richesse intérieure et ainsi de s’épanouir pleinement.